3.2 Les Limites de la Voiture Autonome
Les voitures intelligentes comportent de nombreux avantages. Elles permettront d'économiser du carburant comme nous l'avons vu avec l'expérience des bouchons. Grâce au temps de réaction plus faible de la voiture intelligente on passe moins de temps dans les embouteillages ainsi l'on consomme moins d'essence et il y a moins de pollution. De plus elles seront plus sûres et permettraient une vitesse optimale. Seulement sont elles dénuées d’inconvénients ? Les voitures autonomes ne sont pas encore commercialisées parce que les constructeurs et développeurs ont face à eux des défis à résoudre, et quand bien même ces voitures sans conducteurs seront massivement répandues, subsistera-t-il toujours des inconvénients ? Nous proposerons des réponses à ces interrogations dans cette partie.
Les systèmes automatiques existent déjà dans les avions et les trains depuis longtemps, ils ne sont appliqués sur les automobiles que depuis peu et dans des conditions particulières. Qu’en est-il de leur coût et de leur fiabilité ? Le développement de ces véhicules n’entrainerait il pas des conséquences sur notre environnement et sur nos propres aptitudes ?
Les différents prototypes, dont Google car présenté en 2014, sont loin encore d’une production grand public même si les promoteurs sont très impatients. Les capteurs et ordinateurs de bord restent volumineux et leur coût très élevé (estimation allant de 150 000 à 200 000$). Ces instruments nécessiteront encore d’être miniaturisés et la baisse de leur coût sera indispensable pour la commercialisation des vehicules autonomes. La vitesse de la Google car atteint 40 kilomètres par heure seulement et les capteurs devront être adaptés pour une vitesse plus élevée.
Prototype de la Google car
Si la fiabilité d’une autonomisation partielle (assistance au freinage et au parking) n’est plus à démontrer, la complexité et la variabilité de la conduite automobile questionnent la totale automatisation. La portée des capteurs reste encore trop faible (soixante mètres environ) pour égaler celle d’un conducteur. Même si les radars et les systèmes électromagnétiques sont plus performants ils restent beaucoup trop faibles. Les essais actuels, encouragés et vantés par les promoteurs obéissent encore à des règles très sélectives (conduite sur autoroute, bonnes conditions climatiques, parfait état du véhicule, cartographie à jour), ce qui est aussi le cas de nos expériences avec le robot. Le mauvais temps pour l’instant rend peu fiable les capteurs.
En outre, ce perfectionnement des voitures avec une technologie fortement développée, compliquerait la tâche des garagistes et techniciens, qui n'auront plus affaire à de la simple mécanique, et une simple panne sera bien difficile à réparer.
Quelles conséquences en cas de pneumatiques dégonflés ? Même si les capacités des multiples capteurs sont phénoménales il est nécessaire, pour assurer la sécurité, d’avoir recours à d’autres systèmes d’information: les communications inter véhicules, le Cloud et les émetteurs sur route. Ceci suppose une électrification importante des véhicules et la recherche se porte actuellement sur des super condensateurs donnant une électrification avec recharges instantanée des véhicules. Tous ces systèmes et notamment l’aménagement routier ont un coût sociétal important. Par exemple, ces voitures devront aussi s'adapter aux situations exceptionnelles : reconnaissance de signes d'agents ... ce qui nécessite des aménagements supplémentaires.
Cette automatisation aura aussi une conséquence au niveau de l'emploi, puisque toutes les compagnies d’assurances automobiles tourneraient au ralenti avec la baisse du risque d’accident. L’activité d’entretien et de réparation des constructeurs automobiles serait aussi affectée, tandis que tous les métiers de conduite tels que coursier, chauffeur de taxi, de poids lourd, de navette ou de bus seraient clairement menacés. Pour eux, la voiture autonome représenterait la prochaine vague de suppression d’emploi induite par la technologie.
De plus, il y a un autre très grand problème: les hackers (ou cyberdélinquants). Professeur à la Queensland University of Technology, Andry Rakotonirainy met en garde les constructeurs contre les risques de piratage des systèmes de navigation des voitures intelligentes, telles que la Google Car. Plusieurs cyberdélincants ont déjà réussi à contrôler une voiture autonome à l’aide d’un simple smartphone. Déjà, la multiplication des connexions wi-fi et bluetooth sur les voitures offre des portes d’entrée pour les hackers malveillants. De même, le lancement de la CANbus, une boîte de piratage permettant d’ajouter des fonctionnalités à son ordinateur de bord, pose de nouveaux problèmes de sécurité. Dans une époque ou nous sommes sous la menace des attentats, on pourrait aisément envisager des attaques de "Cyberterrorisme" sur des voitures totalement automatisées.
Les voitures de demain seront sans nécessité de conducteur sur des routes intelligentes le tout géré par informatique. Ces routes intelligentes au marquage parfait devront transmettre au véhicule une foule d’informations (température, adhésivité, relief) … lui permettant de s’adapter. Nos sociétés peuvent elles assumer de telles dépenses? A terme la voiture peut disparaitre en ville pour un transport individualisé public. Sommes nous prêt à redessiner nos villes et à privilégier l’individuel sur des transports collectifs dont la capacité et la fréquence sont souvent remarquables? Ainsi une ligne de tramway peut transporter jusqu'à 100 000 personnes par jour si elle est bien pensée. Le contrôle permanent par l’informatique de nos déplacements, de nos communications peut être nocif.
Un autre inconvénient me semble être la perte du plaisir lié à la maitrise par l’homme de son engin qu’il connait et dont il a appris les limites. Il cherche, en général, à le manier avec prudence et est responsable en cas d’accident. Que deviendra cette responsabilité juridique (loi Badinter) avec les voitures autonomes? Devra t-on accuser le conducteur ou son engin? La loi n'a pas encore été modifiée pour répondre à ce problème.
Une alternative aux voitures autonomes ?
Un ingénieur américain, William D. Davis, Jr. a eu une idée innovante en ce qui concerne le futur de l’automobile, et qui est différente de celle des voitures intelligentes (les plus en vogue aujourd’hui). Il a donc déposé un brevet sur un système qu’il a appelé « BiModal Glideaway» (BiModal signifie que la voiture peut rouler et glisser, glideaway signifie "glisser en avant". Ce projet consiste en l’aménagement de rails (comme sur les trains) que les voitures pourront rejoindre pour augmenter leur vitesse sur de grands axes routiers. Cette innovation a été perçue comme plus écologique mais on imagine aisément que les aménagements nécessaires à son utilisation auront un coût conséquent. Le projet n’a pas dépassé le stade d’ébauche, probablement pour des raisons financières :
Schéma et concept 3D du principe de « BiModal Glideaway »
Une autre alternative à la voiture intelligente pourrait être le perfectionnement des transports en communs
De toute évidence, la voiture autonome ne sera pas introduite de sitôt sur le marché. En effet, on estime que pour l'instant les Google Cars ne peuvent rouler que sur 1% des routes américaines (qui sont les voies pédestres ou les circuits de test). Cependant les progrès avancent vite en ce sens, la Google Car sera experimentée sur routes pour la première fois cette année. L'entreprise d'information économique IHS prévoit qu'en 2050, les ventes de voitures intelligentes dépasseront celles des voitures avec conducteur. On ne peut évidemment pas affirmer ou dénigrer cette prévision, mais il est certain que pour cela il faut que la technologie actuelle ait bien avancé.
D'un point de vue plus humain, si la présence des voitures autonomes devient majoritaire sur les routes nous passerons de pilotes à observateurs et risquerons de perdre nos capacités de conduite. Avec un véhicule automatique nous lâchons notre attention et il est très difficile de la retrouver. Nous perdons au fil du temps nos aptitudes à évaluer distance vitesse et direction. L’automatisation si elle nous soulage inhibe nos compétences.
Un exemple marquant vient des Inuits sur l’ile d'igloolik en Nunavut (îles aux Nord du Canada), la technologie GPS s’y est fortement développée mais les accidents de chasse se sont multipliés. L'exemple se confirme aussi avec les pilotes d'avions, si l'automatisation complète des avions a incontestablement contribuée à l’amélioration de la sécurité des vols, elle tend à déqualifier l’équipage. Le récent crash du vol 8501 AirAsia provoquant 162 victimes, le rapproche d’au moins trois catastrophes aériennes survenues ces dernières années, dans un contexte similaire : l’arrêt du pilotage automatique, la perte de contrôle de l’appareil, et le crash. Beaucoup de pilotes manquent actuellement de pratique en ce qui concerne le pilotage manuel.
Chaque fois que nous nous confrontons avec le réel, nous approfondissons notre compréhension du monde et devenons plus pleinement une part de celui-ci. L’automatisation nous éloigne du travail nécessaire d’apprentissage.
De nombreux crashs se produisent à cause de l'inaptitude de l'équipage à faire face à une situation sans assistance automatique, en sera-t-il de même avec les voitures autonomes ?